3 février 2012

Défense du livre !

Ce matin,sans lui demander, mon libraire situé à 25km du lycée m'a livré des ouvrages urgents au CDI. Vous croyez qu'une grande surface culturelle l'aurait fait??




Ci-dessous, des extraits d'un article paru dans Le monde des livres du vendredi 3 février 2012 intitulé:


"Le livre déprécié"

"mon objet n'est pas d'opposer le livre imprimé au livre électronique : combat d'arrière-garde, perdu d'avance. Il est en revanche de dire que la révolution technologique de l'information a rabattu le livre sur un espace plat et indifférent dans lequel il n'a plus aucune dignité particulière. Au livre comme oeuvre se substitue une multiplicité de textes désarticulés, accessibles indépendamment les uns des autres sur un espace plat où l'on trouve également une myriade d'autres textes désarticulés. La désarticulation : telle est la première déchéance du livre. Les conséquences négatives s'en font vivement sentir, dans l'enseignement supérieur en particulier.

Mais il y a une seconde déchéance du livre, économique cette fois : sa réduction à un objet de consommation équivalent à n'importe quel autre. Ce phénomène affecte la culture en général et le livre en particulier. Il est amorcé depuis une quarantaine d'années. L'augmentation, au 1er avril, de la TVA sur le livre imprimé (de 5,5 % à 7 %) ainsi que sur d'autres produits de consommation est, non la cause, mais le dernier signe de ce phénomène, son expression terminale. Le fait que le livre, comme objet culturel par excellence, n'ait pas été distingué (pour un bénéfice fiscal minime) prouve la négligence et l'indifférence avec laquelle il est traité par un gouvernement dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas composé de lettrés (chacun se souvient des épisodes d'anthologie de La Princesse de Clèves et de "Zadig & Voltaire"). 
La loi Lang a heureusement évité au livre, jusqu'à présent, d'être pris dans une concurrence des rabais entre grandes surfaces et librairies indépendantes, qui eût été la mort irrémédiable de ces dernières. 
Cette double déchéance du livre, dont les conséquences sont immenses sur le statut du savoir et des oeuvres, se traduit dans la considération commune par une nouvelle représentation du livre : son inutilité. Si tout ce qu'il contient est immédiatement accessible sans qu'on ait besoin de le lire entièrement ou même en partie, si en outre il est en concurrence avec d'autres produits de consommation sans le moindre privilège, pourquoi acheter un livre ? Pourquoi acheter tant de livres encombrants, chers et finalement inutiles ? L'idée qu'on puisse avoir besoin de livres et que ce besoin puisse correspondre à une urgence devient complètement incompréhensible et incongrue, parfois même au coeur des universités. Voilà ce qui flotte dans l'air : l'esprit d'un temps qui n'a plus d'esprit, ou si peu.
En cette période électorale, il reste à espérer que tous ceux, et ils sont nombreux, qui ressentent cruellement cette dérive qui restreint l'espace du livre et le réduit à un simple objet de consommation dont l'utilité est incertaine, se mobilisent et exigent des candidats à la présidence de la République des réponses précises concernant leurs projets touchant la politique culturelle en général et celle du livre en particulier. Il importe que les mesure soient prises afin que le livre continue d'être au coeur de la vie culturelle du pays."

Soutenons les librairies indépendantes!


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